Article 7: Envie d'écrire...
Publié le 3 Mai 2013
Jess, à Sofia, le 3 mai 2013
1000 km après….
Lors de la préparation de notre périple, nous avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs voyageurs à vélo afin de nous enrichir de leur expérience. Plusieurs d’entre eux nous on dit -«Vous verrez, le plus dur c’est les 1000 premiers kilomètres » ou encore -«Vous allez en chier pendant deux semaines après ça ira mieux ». –« Ah…d’accord.» répondions nous en tremblant intérieurement….
Finalement, 2 semaines ça passe assez vite ; 1000 kilomètres aussi. Nous les avons fêté au bord d’une route serbe à l’ombre d’un parasol. Et nous sommes repartis, assoiffés d’avaler les prochains kilomètres qui vont filer sous nos roues.
Pendant deux semaines c’est vrai que ça été dur. Non pas que nos jambes nous faisaient atrocement souffrir (ah non non…) mais l’acclimatation à notre nouvelle vie nous a demandé du temps…et de la patience. Pas facile non plus de quitter un quotidien qui nous a bercé depuis toutes ces années. Et nos familles ainsi que nos amis nous manquent. Normal, c’est les deux premières semaines, ça va passer se dit-on…
Après deux semaines et mille kilomètres à notre compteur notre famille, nos amis et notre quotidien nous y pensons tous les jours. Mais avec le sourire au coin des lèvres et non plus les yeux humides qui nous piquent. En valorisant toutes ces petites choses du quotidien qui nous paraissaient insignifiantes nous arrivons à mesurer la chance et le bonheur que nous avons d’avoir construit tout cela. Et que cela ne s’efface pas.
Maintenant, dans nos têtes, il ne s’agit pas d’essayer de rattraper ce quotidien que nous avons eu du mal à quitter (nostalgie…) mais d’avancer chaque jour, toujours curieux de découvrir ce que va nous réserver la suite du voyage.
ça y est, je crois qu’on est vraiment partis.
Humeurs conjugales
La majorité des cyclos voyageurs qui partent en couple reviennent seuls.
Ambiance…
Et les couples qui partent avec un tandem encore plus.
Vraiment ?
On nous a souvent interrogé sur le choix de notre vélo. –« Un tandem ? Mais si tu veux te séparer tu fais comment ? », -« Et si tu t’engueules, sympa l’ambiance ! »
Ouais enfin, quand tu te fais la gueule, tu te fais la gueule, même tout seul sur ton vélo.
Toutefois, ces petites remarques faisaient leur bout de chemin et venaient ébranler notre certitude. : a t-on vraiment fait le bon choix ?
Après les mille premiers kilomètres, nous sommes unanimes : oui, nous avons fait le bon choix. Notre choix.
Le tandem se révèle être un excellent médiateur du couple (pratique, pas besoin de thérapies conjugales pour l’instant).
Après s’être traité de tous les noms de chameaux qui existent sur la terre (et il y en a beaucoup) et avoir entamé ce qu’on appelle une bonne engeulade, nous remontons tous les deux sur notre vélo unique. On ne se parle pas (et puis de toute façon on évite de parler à vélo sinon on bouffe plein de moucherons). Soudain, une côte immense se dresse devant nous, infranchissable, insurmontable, un mur.
Bon ben on va y aller.
Et puis ensemble on pédale, essayant de maintenir le fragile équilibre du vélo, d’éviter les voitures qui nous doublent d’un peu trop près. Et puis on s’éponge le front, car il fait très chaud.
……
……
-"ça va chérie la vitesse ?"
-"Ouais ouais ça va…"
……
-"Tu veux boire ?"
-"Ouais je veux bien ! "
……
……
…….
-"Tu sais que je t’aime..."
Et puis arrivés en haut on se félicite, on se lance des fleurs. On s’est engueulés pour quoi déjà ?
On les aime ces côtes.
Alors c’est vrai, si on veut se séparer un temps c’est plus difficile, pour prendre le train c’est plus galère, dans les côtes c’est plus lourd… Mais quand on vit les mêmes galères au même moment, ensemble, que l’on peut voir en même temps l’envol d’une cigogne et partager notre émerveillement et qu’on unit nos forces dans un même but commun ben on se dit qu’on a bien fait.
Toutefois, même si on s’aime (encore plus après les côtes…) ce n’est pas évident de partager son quotidien 24h/24h avec une autre personne. On a envie de parler à quelqu’un d’autre. Des fois on parle avec d’autres personnes….mais en bulgare, en serbe ou en hongrois….ça ne vole pas très haut. Alors on se parle à soi-même, car il faut le reconnaître c’est la seule personne que je connaisse qui m’écoute avec autant d’attention...
On pense beaucoup, on se raconte des histoires dans la tête, comme quand nous étions enfants, car nous avons le temps.
Et puis lorsque l’on s’arrête dans une ville on file à l’auberge de jeunesse, on espère y rencontrer quelques personnes qui sauront satisfaire notre soif de conversation. On parle, en anglais, mais ce n’est pas la même chose.
ça manque les copines quand même.
Et naturellement on redécouvre que de ne pas parler c’est bien aussi. Etre ensemble ça nous suffit…par moment.
Partir à deux c’est une belle aventure. C’est un risque à prendre, car vous découvrez un peu plus au fil des jours la personne qui est en face de vous. Votre partenaire. Voyager c’est se mettre à nu (au propre comme au figuré…), laisser ses faiblesses venir frapper à votre porte, comme pour vous rappeler que vous n’êtes pas invincible et que le voyage est fait de beaux et de durs moments. Et c’est cela qui le rend si précieux…